Cérémonie en l’honneur de Gracchus Babeuf
à Saint-Quentin le 26 mai 2007.Prise de parole de Jean-Marc Schiappa
Jean Jaurès qualifiait Babeuf comme le fondateur non seulement de la doctrine socialiste mais de la politique socialiste.
En effet, Babeuf avec les siens fut le premier à revendiquer l’abolition de la propriété privée qu’il nommait « propriété particulière ».
En effet, dès 1795, l’idée socialiste était présente mais non le mot.
Curieux renversement de perspectives où, actuellement, le mot est présent mais non la chose.
Le socialisme puise ses sources dans la Révolution française.
Celle-ci affirmait l’égalité et, en même temps, la propriété.
Affirmant la propriété tout en expropriant les biens de l’Église et de la noblesse, elle posait par ce simple fait les prémisses de l’expropriation de toutes les propriétés.
C’est un des grands legs de la Révolution française, l’autre étant la souveraineté nationale.
Or, qu’avons-nous vu, que voyons-nous dans ce printemps 2007 qui n’en finit pas de s’achever ?
Les adversaires les plus résolus des idées de Jaurès se réclament de celui-ci sans susciter d’émotion particulière.
Le Premier ministre actuel peut affirmer « la gauche a perdu la bataille des valeurs ».
D’un certain point de vue, il n’a pas tort.
Rome n’est plus dans Rome.
Ceux qui combattent les idées de Jaurès, de Guy Môquet en partagent les dépouilles.
Ceux qui devraient porter haut les messages de Jaurès, de Guy Môquet parlent d’ordre.
Le combat a lieu à front renversé.
Le mouvement ouvrier et démocratique (et l’Association des Amis de Gracchus Babeuf s’enorgueillit d’en être) a été sommé de se rallier à « l’ordre juste ».
Terme puisé non seulement dans une récente encyclique papale mais, aussi, dans les lois organiques de Franco (1).
Tel ancien ministre dans un livre consacré à 50 ans d’engagement socialiste situe les racines du socialisme dans la Constitution de 1791, Constitution dont chacun sait qu’elle fut à la fois monarchique et censitaire, c’est à dire diamétralement opposée non seulement au socialisme, à la démocratie mais encore à la République !
Mais ce même ministre dans ce même ouvrage qualifie le vote du peuple français contre le TCE de « déni de démocratie » !
Et qu’en est-il de la souveraineté populaire quand un Président fait signe d’allégeance à un responsable non élu (le Président de la Commission Européenne, pour ne pas le citer) et négocie avec lui les conditions de rétractation du vote du peuple souverain en 2005 ?
Tel est, vous le savez, le contexte actuel.
Il est difficile, nous le savons tous.
Dans de telles conditions, cette cérémonie annuelle et régulière prend tout son sens.
Dans de telles conditions, et au prix de moult difficultés, notre revue a été publiée.
Qu’elle soit consacrée au grand Daline, qui dans des circonstances autrement plus difficiles que les nôtres, a voué son existence à la connaissance du babouvisme n’est pas pour nous déplaire.
On peut escamoter un débat.
On peut escamoter une élection.
On ne peut pas escamoter la volonté des peuples souverains d’affirmer leur souveraineté et de vouloir marcher vers le bonheur commun.
Le peuple souverain existe.
Il n’est pas l’apparence télévisuelle que l’on veut montrer.
Il parlera.
Il agira.
Aujourd’hui, l’Association des Amis de Gracchus Babeuf prend date.
(1) « les fins fondamentales de l’Etat sont … l’établissement d’un ordre social juste », loi organique, 10 janvier 1967, titre I, article 3.
